Raconte-rendu de Conques

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Un récit du séjour à Conques et tout ce qui s’en suit
Par Georges Matichard

⌛️ Lecture 28 min.

Lundi 23 mai 2022

En arrivant ce premier jour à Conques, je me demande si je dois commencer un journal de bord. Et comment m’y prendre.

Cette première journée n’en est pas vraiment une, puisque voilà deux ans que le projet se dessine. Mais cette première journée de première résidence porte en elle toute la symbolique d’un commencement.

Conques est une ville du symbole religieux, une capitale de la marche, une Mecque du pèlerin sur le chemin de Compostelle.
La coquille Saint Jacques est partout, sauf dans les assiettes. Une déconfiture pour moi qui aime tant les déguster, pleines sur les marchés de Bretagne.

Commencer par écouter le dialogue à l’abbatiale entre les sublimes bas relief de son tympan, chef d’œuvre de la représentation sculptée du XII ème siècle et les vitraux contemporains de Soulages, totalement dénués de représentations, ne portant en eux que leur rapport à la lumière. Ce qui en soi est déjà un vrai voyage dans notre imaginaire de ce dernier millénaire.

Nous sommes ici et maintenant prêts à faire entrer ce chapitre dans l’autre dialogue Chauvet et Lascaux que nous voulons ouvrir. Guilhaine et Tom m’accompagnent pour continuer de remonter le temps, 38 fois celui qui est devant nous, destination – 38 000 ans et 380 kilomètres de marche qui nous ramèneront jusqu’à aujourd’hui.

Anaïs et Amélie


En ce premier jour nous avons rendez vous avec Anaïs et Amélie, deux jeunes femmes pétillantes et complices, l’une artiste plasticienne et illustratrice, l’autre docteur en Arts plastiques et chercheuse en Art paléolithique. Anaïs représente L’ atelier du Geste situé sur le chemin, possible 4ème samedi du parcours, ancienne menuiserie, collectif artistique, idéalement situé à proximité du GR 62, celui qui nous emmènera à Conques venant des Grands Causses.

Pouvions nous espérer meilleur duo pour commencer ce séjour ?

Tom, qui nous a rejoint au premier jour est avec nous, carnet de dessin sur les genoux, il croque la réunion comme il croquera un peu partout dans Conques. Il ne restera que 3 jours mais nous recevrons plus tard un nouveau croque-rendu dont il a le secret.

Assez rapidement, la discussion s’engage avec elles sur la thématique du projet, et ce qu’elles trouvent de correspondance avec leurs propres échanges, ce qui les a rassemblé, les origines du trait, de la figuration, du geste, de l’engagement du corps vers l’expression graphique…
Très vite arrivent des références communes. Au centre de celles-ci naturellement, Pascal Quignard avec lequel elles ont déjà travaillé, avec lequel Amélie a déjà réalisé plusieurs publications, avec lequel Marie Vialle de la Cie « Sur le bout de la langue » et dont s’occupe Guilhaine à aussi collaboré à plusieurs reprises.  

Le « hasard », n’en finira jamais de composer lui même avant nous, c’est une certitude. Nous n’avons plus qu’à continuer de le provoquer et à toujours savoir l’écouter, son chant nous accompagne sans faille depuis le début, enfin le pré-début puis qu’autre chose commence semble-t-il aujourd’hui.
Il est évident que l’enthousiasmante rencontre avec Anaïs et Amélie n’est en rien le fruit du hasard, pas plus que les précédentes que l’on commence à avoir du mal à dénombrer, toutes aussi surprenantes les unes que les autres.
Habitués à la création, à l’état de recherche, nous savons ce que ces moments offrent et que nous ne savons pas qualifier. Hasard, magie, sérendipité disent les chercheurs …

Avec cette idée de fouiller dans notre intimité ce qui a fait de nous des êtres créatifs, imaginatifs, capables de produire en une seule vie autant d’idées que n’importe quelle autre espèce vivante dans un lent processus d’évolution, nous irons forcément essayer de comprendre davantage le processus étrangement magique du hasard. Et pour cela nous élargirons le champ de recherches au-delà de la représentation picturale, en interrogeant aussi l’expression orale, la musique, la danse, le théâtre.

Au moins durant les 20 000 ans qui séparent Chauvet de Lascaux nos anciens parents ont vécu ces moments naissants sans doute de manière assez intense, où l’observation répétée, la contemplation, la rêverie d’un temps de réflexion suspendu, convoquent l’imaginaire, comme un processus à réfléchir le monde, comme un miroir ré-créatif, quand le lâcher prise de la pensée provoque l’imagination.
Nous essaierons de comprendre comment cette faculté typiquement humaine à évolué jusqu’à nos jours, et surtout dans quelle état est-elle aujourd’hui.

Lundi 30 mai 2022

Toute la première semaine a été consacrée à parcourir cette région que nous découvrons, à tisser des contacts, à essayer de comprendre et de lire les paysages qui s’offrent à nous et à commencer d’organiser leur traversée.
A la fin d’une semaine de résidence à Conques, nous voilà réunis sur une placette autour d’un barbecue, devenus des villageois éphémères, connaissant les ruelles presque par cœur, discutant avec d’autres villageois de leur région, des routes, des chemins, des lieux remarquables, et capables de mieux situer les nouveaux contacts dans une géographie qui commence à nous devenir familière.

Nous abordons notre deuxième semaine avec un nouveau statut. Nous ne sommes plus des passants comme il peut y en avoir en surnombre. Nous connaissons presque tous les commerçants et eux nous reconnaissent et nous identifient assez vite, peu habitués à revoir plusieurs jours de suite les mêmes personnes. Certains habitants nous deviennent familiers à coup de croisements matinaux, de « bonjour », de furtifs échanges sur la météo. Quelques-uns avec qui nous avons déjà échangé sur le pourquoi de notre présence ici, commencent même à devenir amis.

C’est tout l’intérêt d’une immersion sur un territoire. Nous approchons de plus en plus près les personnes que nous voulions rencontrer.

Mercredi 1er juin 2022

Christel Laché et Jean Pierre Caen

En point d’orgue de cette seconde semaine, mercredi est particulièrement riche grâce à la rencontre avec Jean Pierre et Christel. Ils nous avaient été déjà plusieurs fois recommandés, sans plus de détail, mais chaque fois décrits comme un couple de créateurs singuliers et charmants. Ils sont installés depuis longtemps entre Saint Cyprien et Conques, en fait au bord du GR 62, exactement là où nous aimerions passer. Lui est sculpteur sur bois, elle est tapissière, « licière », c’est dire tapissière de basse et haute lisse, tissage de type Aubusson c’est à peu près tout ce que nous savions.

Nous sommes arrivés en fin de matinée, il faisait très chaud, dans un petit hameau assez isolé, leurs ateliers discrètement indiqués sur le bord de la petite route. Nous avons appelé à l’approche d’un vieux petit bâtiment qui pouvait ressembler à un atelier. En est sorti Jean Pierre, un peu échevelé, souriant, Gepetto du Rouergue ayant dû laisser son Pinocchio sur l’établi pour nous recevoir. Nous sommes entrés dans son petit atelier de sculpteur sur bois, aux odeurs suaves de chêne, châtaignier et de buis, aux petites fenêtres ornées de magnifiques toiles d’araignées soigneusement conservées par ceux qui savent se lier d’amitiés avec celles qui nous protègent des mouches.

La tendresse dans ses yeux, se retrouve dans ses sculptures entamées, stockées, en devenir.
Partout des bouts de bois, par là un bas relief couvert de poussière, quelques corps avec visages, quelques visages sans corps, sur l’établi une petite silhouette en train de sortir d’un morceau de buis fluet. Un homme qui taille comme on le fait depuis la nuit des temps, comme les artisans sculpteurs du moyen âge qui ont créé le fameux tympan de l’abbatiale de Conques, dont justement Jean Pierre a fait une reproduction fidèle en bois, qui orne aujourd’hui la façade du Charlemagne, retable iconoclaste donnant sur la rue et abritant le menu du restaurant.

Son atelier est proche de l’abri sous roche. La roche qui l’abrite est fragmentée en pierres sèches assemblées en murs, ou posées sur le toit sous une sobre mais solide charpente de châtaignier.
Clèdes en Cévennes, Sécadous dans le Rouergue, ces petits séchoirs d’autrefois parsèment les campagnes, parfois restaurés en petites demeures pour gens de passage, il n’est pas rare de les rencontrer comme ici dans leur jus.
Ils nous ramènent alors aux temps où la main de l’homme fabriquait des outils simples et des objets utiles et beaux, pierre taillée pour couper, où pierre fragmentée pour construire. De leur présent ils étaient simplement utiles.
C’est peut-être leur efficacité qui les rendait plus beaux aux yeux de leurs contemporains, ils représentaient le présent et le futur. Pour nous qui pouvons les percevoir comme devenus inutiles, appartenant au passé, notre regard vers ce beau se construit différemment, avec le temps qui nous sépare d’eux.

Et Jean Pierre aussi est beau, comme l’est son sourire, son atelier poussiéreux, il est  l’homo faber que nous rencontrons aujourd’hui.

Après une écoute attentive de l’objet de notre visite, il nous invite à aller plus bas voir sa Christel dans son atelier de tissage. Nous nous attendons à voir une fema faber à l’image de Jean Pierre, en train de carder la laine qu’eux deux auraient récolté sur le dos de quelques moutons plus bas.

Au détour du bâtiment apparaît une extension à celui-ci tout à fait récente, en bois et sur piloti. Pour gagner quelques mètres carrés dans ces montagnes escarpées il n’y a pas d’autres solutions. L’atelier de Christel s’ouvre à nous totalement différent de celui de son rustique bonhomme, sans la moindre poussière, lumineux, soigneusement agencé. Christel surgit de derrière un grand métier vertical, pieds nus, sautillante, le regard vif et curieux, le sourire de Jean Pierre est apparemment contagieux.
La voix haute, un peu enfantine, elle nous souhaite la bienvenue.
Jean Pierre nous présente, nous et notre intention. Il lui explique le projet en quelques mots efficaces, comme pour traduire ce qui pourrait paraître compliqué et risquerait d’effaroucher sa libellule de femme.
Non seulement peu farouche mais très accueillante, Christel nous fait visiter son bel atelier. Au centre ce grand métier vertical recouvert par des draps, et plus loin un autre grand métier horizontal. Des fenêtres sur le pourtour assurent cette lumière du jour indispensable aux yeux minutieux des tisserands. Tous les tisserands cherchent la lumière du jour.
Pas la moindre toile d’araignée en guise de rideau, ici la tisserande c’est Christel.
De sa voix douce, Christel nous présente le métier sur lequel elle travaille en ce moment. Christel est liceuse, comme seulement une vingtaine de personnes en France, son métier est de basse lisse, horizontal, le même que les métiers d’Aubusson où elle a appris ses techniques. Christel nous parle des plantes, de ses longues observations, de sa lunette binoculaire qui lui permet d’en étudier les structures les plus infimes. Elle nous ouvre un de ses petits carnets d’étude, nous nous extasions devant la délicatesse de l’ouvrage. Christel virevolte dans son atelier et nous la suivons comme on suit un papillon qui se pose de fleurs en fleurs ici ou là.

Ses études à l’aquarelle sont d’une finesse et d’une précision stupéfiante, soignées, méticuleuses.
Avec elle le beau nous attrape par une toute autre approche qu’avec Jean Pierre.
Encore que.

Toujours la simplicité, la modestie des outils, quelques feuilles de papier, des crayons, de l’eau et l’observation longue.
Pour étudier les structures, les formes, les couleurs, les botanistes ont toujours fait appel à des heures d’observations et aux talents des artistes peintres, talents qu’ils avaient eux-même bien souvent.

Christel nous raconte son parcours autodidacte, l’enfance dans le jardin, ses longues observations de la nature à s’extasier du petit, du fragile, du joli, ses passions pour le dessin, son chemin entre les fibres, de ses dessins à son travail d’aujourd’hui.

Au XVIII siècle, sur les pentes de la Croix Rousse à Lyon il y avait le parc floral de l’école Royale Académique de dessin et de géométrie. Grâce à lui, les étudiants artistes peintres pouvaient fournir aux tisserands lyonnais les motifs floraux qui ont fait la réputation de leurs soieries et permettaient aux étudiants artistes d’arrondir leurs fins de mois. L’école mutera plus tard en École Nationale des Beaux Arts.
Christel avait fait elle-même son école des Beaux Arts intimes, en toute simplicité, dans sa montagne rouergate. D’ordinaire le tissage d’art est le fruit d’une collaboration à quatre mains, l’artiste illustrateur et le tisserand. Christel est les deux.

Sur son métier horizontal, de basse lisse, elle nous présente la tapisserie en cours.
Elle représente 4 brins de prêle des champs, une fine plante toute en fuseau, comme un jonc à l’architecture télescopique.  Sur les fils de sa chaîne très dense est posée une magnifique aquarelle, modèle à l’échelle ¼ du projet, et d’innombrables bobines de fil de laine très fine, en dégradés de couleurs allant du vert sapin au blanc crémeux. L’œuvre en cours est déjà précieuse, la matière laine apporte un supplément de luminosité légèrement velouté, magnifique. La contemplation nous porte à la rêverie, et je pense à la silice abondante qui fait la réputation de la prêle, au cristallin de l’œil de Christel, au silicium de mon téléphone avec lequel je tente vainement de prendre une photo à la hauteur du réel, aux silex taillés des premiers âges de l’autre jour.
Nous vivons sur cette mince croûte terrestre entre la silice et l’oxygène qui sont les deux principaux éléments qui la composent, nous respirons l’un, et l’autre nous inspire. Nous nous décomposerons après notre ultime expiration. Je suis déjà dans la prêle.
Le papillon nous rappelle et soulève le voile qui protège le second métier, de haute lisse, horizontal.
Ce devrait être un choc mais il n’en est plus rien puisque je ne suis plus vraiment là, ni comme je l’étais en arrivant.
Nous sommes devenus tout petits, survolant un champ de mousses et de lichen que la « pluie vient tout juste d’allumer » nous dit le papillon. Les mousses ont cette fabuleuse capacité à dormir, à ressembler en tout point à leur mort et à renaître aussitôt les premières gouttes de pluie. Elles passent presque instantanément de leurs couleurs ternes, entre marron et vert pourri, en un festival de vert joyeux, du jaune au fluorescent, se gonflent comme des petites éponges. Les lichens redressent leurs micro arborescences algueuses vert de gris et nous sommes là, médusés devant ce tableau en relief dont une bonne partie ne pouvant s’enrouler remonte à l’arrière du bâti du métier. Nous sommes juste à ce moment là où la pluie vient d’arriver quand les mousses rendent la lumière qu’elles conservaient durant leur sommeil, comme un premier rayon de soleil allumant le tableau de l’intérieur.
C’est un court instant, et il dure depuis plus d’un an déjà que l’artiste l’a commencé.
Nous parlons de la fragilité de la vie de la mousse et de sa pugnacité, de sa faculté de vivre sur une surface hyper fine, avec si peu de racines, et d’être aussi résistante. La grâce. Je ne peux me retenir de toucher, de caresser, comme je le fais avec mon petit jardin de  mousses qui pousse sur le rebord nord du toit de ma maison, à hauteur d’œil. Si le métier n’avait pas été vertical, peut-être aurais-je sauté sur le matelas spongieux.

Le papillon nous abreuve maintenant d’œuvres anciennes de ses études sur le coquelicot. Des successions d’aquarelles toutes plus lumineuses et douces les unes que les autres, plis et replis de rouge, j’aimerai les emporter toutes avec moi. Elle nous évoque ces formes harmonieusement plissées avant l’éclosion, si fines et soigneusement rangées dans leur bouton, la fragilité de la vie encore.
La chanson de Mouloudji me remonte aux oreilles ..

Et j’ai tant appuyé
Mes lèvres sur son cœur
Qu’à la place du baiser
Y avait comme une fleur

Comme un ptit coquelicot mon âme, comme un ptit coquelicot.


Il fait chaud, le papillon nous invite à prendre un nectar de quelque chose, nous entrons dans la maison en revenant peu à peu à nous, le kéfir et la discussion qui s’ensuit avec ceux qui sont redevenus Christel et Jean Pierre nous accompagnent à ce retour.

En repartant de ce voyage dans le temps et l’espace, nous ne parlons pas dans la voiture.
Ha si. Je dis à Guilhaine, Ha ben dis donc, elle me répond Pfffff houlala ouais

Dany et Coline

De retour à Conques, nous passons boire un café chez Dany,  nous lui parlons de cette rencontre, elle les connaît bien. Elle nous demande s’ils nous ont parlé de leur fille Coline qui fait du cirque.

Le temps que l’information arrive au cerveau de Guilhaine pas tout fait remise de ses émotions et qu’elle fasse le lien entre le prénom et le nom de famille, elle s’écrie « Coline .. Caen !!! »

« Ben oui » dit Dany.

« Mais je la connais très bien ! Nous l’avons eu en résidence aux Subsistances à Lyon !! »

Le tissu des relations n’en finira pas lui non plus de nous surprendre tout le long de ce projet, comme à la fin de cette surprenante journée tissage.

Vendredi 3 juin 2022

Nous avons enfin rendez-vous avec nos contacts du Parc des Causses du Quercy, en visio.
Nous attendons beaucoup de cette prise de contact. Ils sont très en lien avec la grotte de Pech Merle et tous les projets art et science qui se passent dans ce secteur et pour lesquels nous gardons une oreille attentive et un œil curieux depuis le début du projet, comme les différentes publications des ouvrages d’ Etienne Davodeau, « Rupestres ! » ou plus récemment « Le droit du sol » qui nous a semblé dès sa parution en « cousinage certain ».

Patricia du Parc du Quercy

Il y a beaucoup d’événements autour de Pech Merle, qui interrogent artistes et scientifiques, sur les questions de l’art pictural etc ..
Patricia du Parc du Quercy nous évoque ces différentes actions, leurs liens avec l’itinérance, les actions de Derrière le Hublot sur le chemin de Compostelle qu’ils ont beaucoup soutenu etc ..
Nous parlons des développements de nos projets respectifs, et quelque chose d’assez naturel dans le rapprochement s’est fait sentir immédiatement.
Nous évoquons l’avenir, elle nous dit qu’à l’automne il y aura un événement réunissant 7 dessinateurs de BD en résidence ( tiens …) avec la présence de Michel Lorblanchet, au moment où nous serons normalement dans le coin …

Marcher Depuis pourrait être le projet « fluide » tout à fait complémentaire avec ce qui se passe à l’ouest, de Pech Merle aux Eyzies et à Montignac plus au nord. Difficile d’y voir le lien clair à ce jour, mais l’évidence d’une collaboration étroite est là, nous le sentons ensemble. 
Tout ceci va nous amener à considérer différemment l’arrivée de la trajectoire dans ce secteur qui ressemble de plus en plus à un delta, si l’on considère le fleuve prenant sa source à Chauvet.

Comment allons nous trouver une trajectoire en sortant de  Figeac ? Devons-nous en avoir une seule ? Ou réfléchir à un réseau de liens pédestres ? A l’image de ce qui s’est passé lors de la traversée du Causse Méjean, en restant à l’écoute du paysage et de ses pôles d’intérêts majeurs, le projet va devoir conserver une certaine souplesse dans son édification.
Nous quittons ce rendez vous avec de belles promesses et pas mal de questions.

Autres rendez vous, autres rencontres.

Laurence Fric et Bénédicte Aymard

Notre résidence se poursuit avec d’autres rendez-vous, comme celui très intéressant à Rodez au département d’Aveyron avec Laurence Fric et Bénédicte Aymard, responsables culture, patrimoine et vie associative, qui nous reçoivent à leur tour de manière vraiment très enthousiaste. Elles nous parlent des statues menhirs de l’Aveyron, du musée Fenaille, de celui de Montrozier sur notre trajectoire.
Autant de nouveaux liens intéressants, mais toujours ce risque de l’éparpillement. Nous parlons de notre priorité vers les rencontres humaines.
Nous devrons trouver les façons dont le département pourra soutenir le projet puisqu’elles en manifestent fortement le désir. Le projet a une capacité de rassemblement extrêmement efficace, et nous mesurons à chaque fois davantage l’ampleur du programme des financements, qui, parce qu’ils s’avèrent très prometteurs, nous emmènent dans des considérations techniques dont la complexité nous échappe un peu.
En tous cas, nous le savons déjà, mais plus que jamais, les premiers financements devront servir en toute priorité à la bonne gestion de ceux-ci. L’embauche d’une personne dédiée et spécialisée devient urgente. Le projet ne vivra que sous cette condition, c’est aussi cela qui nous libérera d’un poids que nous sentons déjà fortement, et nous permettra de le conduire efficacement et librement vers son devenir.


Ville d’Assier à l’ouest de Figeac, prochain lieu de résidence pour cet automne.
Nous sommes allés visiter le nouveau lieu de l’Association Des Clous, une compagnie de théâtre de rue qui vient tout juste d’investir un ancien atelier bois assez vaste. Nous sommes là le jour de l’inauguration où se joue le festival « Plantez là » qu’ils mènent depuis quelques années. Le contact est très bon, ils sont là très occupés, nous passons une excellente soirée, retrouvons Fred Sancerre de Derrière le Hublot, Mme Lacipiere élue du Grand Figeac, nous nous retrouverons à l’automne.
Retour près de Conques, au bord du Lot à la guinguette d’Hadja, qui nous annonce qu’elle vient d’acquérir une maison à Flagnac et sera sur la trajectoire, prête à nous accueillir dans un nouveau lieu avec son sourire ravageur et son sens si aigu de l’hospitalité. Promesse d’une joyeuse et copieuse restauration.

A Saint Cyprien, entre Marcillac et Conques, l’ancien garage qui accueille l’atelier de Magali Vermeersch, artiste plasticienne travaillant avec la matière papier de façon très libre et extravagante, et l’atelier/boutique de son mari qui vend et loue des vélos électriques, idéal partenaire pour choisir et acquérir notre indispensable vélo régie, rendez vous est pris.

Dans le même village, plus haut l’ancien couvent aménagé par Bastien Carré artiste lumigraphe, dans lequel il expose ses œuvres lumineuses si étonnantes.

La présence de Magali et Bastien dans ce même village, toujours sur la trajectoire et sans détours, interpelle le projet par leur travail de recherche exceptionnel. Leur enthousiasme est moindre, mais nous verrons plus tard, l’année prochaine sera nettement plus concrète. Ce qu’ils sont.

Au Centre Européen de Conques nous côtoyons d’autres artistes avec lesquels nous échangeons, ils veulent suivre le projet, le commentent pour notre grand plaisir. La complicité avec Anne et Pauline grandit au fur et à mesure de notre séjour. Nous sommes devenus leur « bureau voisin », et notre salle de travail est maintenant un bel atelier de cartographie éphémère où nous avons reconstitué sur un grand mur plus de la moitié du parcours en aboutant des cartes IGN au 25 000 ème. L’ensemble est fascinant, nous pourrions rester des heures à le contempler. Nous nous prenons à imaginer des murs de salle de classe entièrement recouverts d’une carte géante, aux élèves en train de rêver devant leur géographie. 

Lundi 6 juin 2022

A la troisième semaine, je dois raccompagner Guilhaine qui repart vers Lyon pour quelques jours, mais ne sais pas encore qu’elle ne reviendra pas sur ce séjour. Sa santé, la chaleur et la fatigue d’un prochain aller/retour trop juste ne permettront pas raisonnablement son retour.
Coup de blues en vue pour elle, pour nous …

Dans la foulée, l’arrivée de Nathalie, Pauline et Cathy apporte un nouveau souffle. Nous avons beaucoup préparé le terrain les semaines précédentes et identifié les endroits où des repérages pédestres s’imposaient. Aussitôt arrivées, elles sont très motivées pour aller sur les chemins. 
Un programme les attendait, avec notamment une portion d’une vingtaine de kilomètres, comme variante au chemin de Compostelle au départ de Conques pour rejoindre le GR65 au-dessus de Decazeville. Nous savions que la suite se déroulerait sur le 65 au moins jusqu’à Figeac. Cette variante devrait nous permettre une trajectoire plus douce, en marchant le long du Lot. Il faudra trouver une étape pour dormir sur ce tronçon.
Travailler sur ce type de variante demande du temps. Les conseils qui nous sont fréquemment revenus depuis le début du projet nous disent tous qu’il sera difficile et très long de construire un itinéraire fiable hors des GR et PR. Parfois nous sommes déjà arrivés à tricoter entre eux de belle manière dans les régions où les chemins communaux sont nombreux et entretenus, mais d’autres fois il suffit d’un propriétaire récalcitrant et de quelques chiens, c’est le cas ici ce qui bloque considérablement l’affaire et nous oblige à étudier encore une autre voie et nous prends beaucoup de temps.
Une pensée interrogative vers Sylvain Tesson et sa traversée de la France par les chemins noirs dans l’ouvrage du même nom. Sur la carte IGN, ces fameux chemins noirs qui lui ont permis son périple, ressemblent davantage à des poils de barbes éparpillés. Une fois sur terrain, ils sont pour beaucoup  privatisés et coupés de barbelés, ou recouverts de végétations, voire d’éboulements, ou simplement disparus, emportés par le vent des belles paroles. Ce qui fonctionne pour un aventurier solitaire, n’est pas applicable à notre projet.

Nous finirons par valider cette portion à la toute fin du séjour après un ultime passage pour corroborer les nouvelles données récoltées par le trio de marcheuses, la solution au final nous fera prendre une petite embarcation pour traverser le Lot plus bas, l’aventure n’en sera que plus belle.

Jeudi 9 juin 2022


La veille du rendez vous avec le public prévu au Centre Européen devant clore notre séjour, je suis allé présenter le projet à l’invitation du sociologue Jean Corneloup à Saint-Flour lors de l’événement de clôture de RECREATER, «  un programme de recherche action pour renforcer l’attractivité des territoires par les pratiques récréatives en nature dans le Massif Central ».

A cette heure du bilan pour leurs deux années d’actions, étaient invités les partenaires et acteurs territoriaux, et étaient présentés trois projets illustrant bien le sens de ces recherches, dont le projet, qui bien qu’en cours de construction avait retenu l’attention de J. Corneloup.

C’est assez honorifique de se retrouver à cette place, mais le format de 20 minutes m’a semblé trop étroit pour présenter efficacement et de manière synthétique ce projet qui n’en finit toujours pas de grandir, et n’a pas encore de contours concrets parfaitement définis.
Et pourtant, bien que nous soyons cette année encore en repérage, l’attente est déjà très forte !
En plus de ça, cette présentation se glissait dans le planning à la fin de la résidence, la veille d’une autre forme de présentation où nous savions déjà qu’une heure et demie pour le faire serait le minimum.

J’ai beau l’avoir présenté déjà des dizaines de fois, des dizaines de manières différentes, en fonction des publics, l’exercice de la synthèse tout public reste encore ce qu’il y a de plus difficile pour en faire correctement le contour et ne pas le réduire à une succession de clichés.

La journée s’est avérée fort intéressante, riche d’interventions et témoignages, mais j’étais assez préoccupé par la journée du lendemain, et dans mon empressement j’avais dû leur envoyer un exemplaire du power point que j’avais raccourci plein de bugs qui ont surgi au moment de la présentation publique. ..
Je repartais assez insatisfait de ma prestation, mais heureux à l’idée que Jean Corneloup puisse nous rejoindre le lendemain pour la présentation à Conques. Je savais que nous aurions l’occasion de discuter plus profondément.

Vendredi 10 juin 2022

C’est la grosse journée.

Nous clôturons ce soir le séjour en invitant le public que nous avons rencontré à venir passer la soirée au Centre Européen. Nous voulons leur présenter le projet plus en détail, particulièrement sur le fond.

Au programme nous commencerons par une performance dansée de Nathalie avant de faire entrer le public, puis la cirqu’onférence sur l’histoire de l’imagination que voulons voir devenir l’objet de médiation spectacle vivant pour l’année prochaine, suivie d’une intervention de J Corneloup et son point de vue de sociologue, pour enfin déplacer le public vers notre salle de travail pour un moment convivial et une présentation plus ouverte avec les cartes quelques schémas et les dessins de Tom exposés.  

L’invitation est pour 21h00, nous savons que c’est un peu tard, mais le programme de fin de journée à Conques est en général bien occupé et ce même soir une autre conférence est donnée sous le cloître de l’abbatiale avant nous.

Le temps de tout préparer et la journée file à toute vitesse.

A 21h00 arrivent les premières personnes, nous les accueillons dans la cour avec un verre d’eau, il fait très chaud et le centre est tout en haut du village. Sur le toit végétalisé, la silhouette noire de Nathalie est déjà là, accroupie sur le toit, immobile, à peine visible. Je pense à la « Chatte sur le toit brûlant » de Tennessee Williams, il y a quelque chose du sud des Etats-unis dans ce décor naturel et cette chaleur du soir. Bien vu Nath pour ce choix ! Ici même où les nombreux chats de Conques nous ont accompagné tous les jours, perchés ici où là. 
Lorsque l’heure arrive, elle se met en mouvement doucement, sans musique, capte l’attention du petit public réuni dans la cour qui aussitôt laisse la place au silence et à la contemplation de la marche féline de Nathalie.. Elle parcourt la ligne de faîtage herbeux du toit avec élégance, chutes soudaines et remontées équilibristes, pour arriver à l’autre bout et disparaître brutalement de l’horizon.
Nous la revoyons remontant  à quatre pattes la colline au loin, poursuivie où chasseuse, tentant vainement de grimper à un arbre et disparaître avalée par la forêt.  

Le public est invité à entrer et s’installer dans la magnifique rotonde vitrée, les sens sont grands ouverts, large sourire et profond silence pour tout le monde.

Je profite largement de cette mise en condition pour déverser (le mot n’est pas trop faible) la cirqu’onférence en 40 minutes chrono. Il y aura pas mal de debrief  le lendemain entre nous sur la forme, la pertinence de ce propos dans ces conditions, les mouvantes variations selon les conditions de jeu etc ..

Mais si pour nous ce travail mérite critique, le public est plus indulgent et s’y retrouve quand même assez bien, l’humour aide à la digestion. 
Car oui, la question est plutôt de rendre plus digeste l’ensemble du propos, car enchaîner la cirqu’onférence avec une pré-présentation du projet et projections de cartes, plus l’intervention de Jean Corneloup dans le même mouvement et à cette heure là pesait lourd sur l’estomac de l’imaginaire.

Nous avions déjà expérimenté la même forme à Florac avec succès, mais là, sur le même menu, force est de constater que les assiettes étaient trop copieuses, il faudra en reparler en cuisine.
La proposition de Florac n’a pas grandi, elle a grossi.

Je n’avais pas mis Jean dans une situation confortable en lui demandant d’intervenir dans ces conditions, au moment où le public avait déjà commencé sa digestion, mais l’intelligence de son propos a su le garder en éveil et attentif, et a ouvert des champs de discussions qui ont pu se continuer une fois le public déplacé dans la salle des cartes pour une conclusion conviviale.

S’était déplacée pour cette soirée une bonne vingtaine de personnes, ce qui est peu par rapport à nos attentes mais normal ici au regard de la fréquentation habituelle de ce genre de propositions. Nous avons regretté ne pas voir certaines personnes du village que nous attendions, mais de toute évidence une fois leur journée de commerçant terminée l’envie de décompresser ne les a pas motivés à monter plus haut.

Il y avait dans cette assistance la présence de Jean Louis Coutarel du comité du Massif Central, représentant notre principal financeur, et les discussions qui ont suivi cette soirée avec lui ont été riches de retours enthousiastes sur la soirée, le projet, sur le fond, sa pertinence dans le paysage culturel rural d’aujourd’hui, faisant écho aux propos de Jean Corneloup, dont d’ailleurs le comité du Massif Central a fortement soutenu le projet Recreater.
Nous avons eu aussi le plaisir de revoir Christel, Jean Pierre et leurs petits enfants que je n’ai pas trop eu le temps de saluer, de rencontrer Claire Henrion animatrice en astronomie avec laquelle nous aurons des choses à voir lors de notre prochain passage, et quelques autres personnes rencontrées ici où là, comme Mr Richard qui était venu nous donner pas mal de conseil sur les chemins ..

Au cours du debrief sur la forme de la soirée, nous retenons dans les grandes lignes que le déplacement du public au cours de ces présentations a du sens et est rafraîchissant, que la cirqu’onférence jouée sans rupture avec un propos descriptif plus factuel perd le public qui ne sait plus dans quel type de représentation il se trouve, spectacle ou pas spectacle .
Si spectacle il y a, il faut qu’il soit assumé en tant que tel, dans la qualité de la prestation comme dans son contenu et cela nécessitera aussi de faire à l’avenir des choix plus drastiques sur son contenu «utile, nécessaire ». Nous avons là visiblement une forme encore trop hybride. Mais nous savons que ce sont ces expérimentations qui nous mèneront à bien cerner les modalités des présentations de fin de semaine à l’arrivée de la caravane.
La visite de la salle de travail, le QG éphémère du projet est aussi une chose qui nous éclairera quant à l’importance de l’exposition qui accompagnera le projet. Il est de plus en plus évident que celle-ci doit être en place dès le début de la semaine à l’étape qui précède l’arrivée de la caravane, lieu d’exposition et QG au même endroit, parfait outil de médiation en vue de la restitution publique du week-end.

Samedi 11 juin 2022

Lendemain matin autour du café chez Germain, une longue, riche et instructive discussion s’est établie avec Jean Corneloup qu’il me serait bien difficile de résumer ici.
Nous percevons encore davantage combien les travaux de recherches de Jean au sein du laboratoire Pacte à Grenoble autour des enjeux d’attractivité dans les territoires ruraux, sur leurs transformations dans des dimensions politiques sociologiques et écologiques, cadrent parfaitement bien le projet.
En nous parlant d’itinérance, d’imaginaire, de récit commun, de système culturel récréatifs localisés,  de chaîne culturelle de valeurs, il déroule tout le vocabulaire que le projet suscite.

Et en évoquant l’importance dans le monde actuel de proposer de l’itinérance et de l’errance, le voile s’est singulièrement levé sur la différence entre l’itinéraire de la caravane et le réseau d’errance pour le grand public. Cela répond parfaitement bien à nos interrogations de continuité territoriale nécessaire ou pas et de la lourdeur que cela nous impose pour la garantir au public.

Organiser la caravane et s’assurer de la faisabilité et de la pertinence de son exacte continuité, ne sera nécessaire que pour un passage  une fois par an, ce qui simplifie considérablement la gageure.
Le réseau pédestre qui se constitue autour de cette itinérance annuelle aura un bassin versant dont les contours seront définis par les acteurs du territoire et proposera une programmation d’errance en fonction de leurs propres capacités de coordination et d’actions.
Nous gagnons énormément dans ce champ des possibles, en élargissant considérablement celui de l’action en fonction des énergies existantes et non en fonction d’une géographie administrative.

La clarté de cette mise en place est souveraine, il suffisait de distinguer l’itinérance de l’errance et d’en faire deux systèmes complémentaires, nous en avions l’intuition, nous avons gagné la définition.
Les mots non plus n’en finiront jamais de nous surprendre.   

Le projet et les universités.

Avant de partir, nous parlons avec Jean de la suite, et de la possibilité de collaborer avec ses étudiants master 2 sur le projet, des possibilités d’avoir un doctorant et de l’apport de ceux-ci sur le projet.
Ces propositions s’ajoutent aux propositions de JJ Delannoy et ses étudiants de l’université de Chambéry, aux perspectives de collaboration avec l’institut SUPAGRO à Florac, antenne de l’université de Montpellier, aux propositions faites aussi par Amélie Balazut avec l’université Toulouse II ..

La projet est une véritable plate-forme d’études et gagnerait énormément à passer au crible de cette jeunesse auquel il s’adresse en fin de compte, toutes ces propositions ne peuvent être négligées.

Cependant nous n’en sommes certainement pas encore là pour cette année, notre structure n’a pas encore les épaules ni les compétences pour porter tout ça.
Il faudra une vraie cellule de coordination inter-université au sein même de notre organisation.

Nous devons faire les choses dans l’ordre, et la tenue d’un séminaire à l’automne pour définir les cadres scientifiques et artistiques du projet trouve encore plus son sens et son urgence.

Avant de quitter Conques, au moment du bilan avec le Centre Européen, nous remercions chaleureusement Anne et Pauline en soulignant combien le Centre avait été pour nous un « Centre idéal ».
Nous évoquons l’idée de revenir, il y a ces séminaires que nous devrons conduire et là …
Avec toute cette infrastructure, une grande salle amphi de 300 places, des possibilités de logement hors saison, la salle de classe comme salle de travail, la rotonde pour des réunions, la cuisine équipée en collectivité.
Ajoutons à cela que Conques se situe à mi-chemin entre Chauvet et Lascaux,et qu’il est de facto le centre tellurique du projet.
Nous demandons l’avis de Anne quant à la possibilité d’établir un partenariat avec le CE pour au moins le temps de la construction du projet, elle abonde en ce sens avec enthousiasme.
Nous devons maintenant en faire la demande précise au CA du Centre Européen.

Nous repartons de Conques avec ce très bel espoir qui vient couronner la satisfaction d’avoir vu le projet grandir, mûrir, s’étoffer considérablement.

Résidence pas tout à fait terminée

La route du retour nous conduit par Lyon chez Guilhaine que nous retrouvons avec joie.
Nous passons une soirée ensemble où nous rencontrons Justine et Christophe, deux connaissances d’Olivier Barge et Emmanuelle Regagnon du labo Archéorient. Justine est archéologue, Christophe est géophysicien, nous avions déjà eu contact et ils sont très intéressés par le projet.
Nous  en discutons sous tous ces (nombreux) angles, leur avis sur les possibilités de coordonner plusieurs universités est très précieux.
Ils sont d’accord pour creuser cette question, belle expression venant d’archéologues !

A cette même soirée étaient là aussi Jerôme et Séverine, elle est comédienne complice de longue date, lui est cartographe, marcheur, et .. bientôt à la retraite !
Nous les retrouverons lors de notre prochaine résidence au mois d’Août à Sévérac.

Le tissage des liens se fait à une vitesse fulgurante, le passage par Lyon, ville des canuts, semble le dynamiser.

Sitôt arrivé en Ardèche, j’avais enfin le rendez-vous à l’Aven d’Orgnac dont nous attendions beaucoup.
Si nous avons maintenant pris de nombreux contacts à l’ouest du côté de Lascaux à l’arrivée, le lieu de départ depuis l’Ardèche n’était pas encore exploré précisément. Nous savions qu’un départ physique  de la caravane depuis Chauvet 2 nous rendait la traversée de Vallon Pont d’arc quasi incontournable, et que cette perspective de zone urbanisée n’était pas des plus engageante pour entamer notre traversée.  La situation géographique d’Orgnac, grand site de France et la présence de la cité de la préhistoire offrait un départ bien plus à la hauteur du projet.  En partant d’Orgnac, il était possible de partir directement sur des chemins, et de ne croiser notre première zone urbanisée qu’au bout de la deuxième semaine, à Florac, ce qui est nettement plus engageant et cohérent !

Finalement Chauvet et Lascaux ces deux grottes devenues inaccessibles au grand public prennent de plus en plus fortement la place symbolique que porte leur absence à nos yeux.
Je pense au très éclairant ouvrage de Pascal Quignard « Sur l’image qui manque à nos jours » ..

Cette réunion se déroule avec passion, et beaucoup d’écoute. Autour de la table, du personnel du musée, sa directrice Patricia Guillermin, Nicolas Lateur archéologue, Flore Vigné chargée de mission patrimoine au département de l’Ardèche qui a fait le déplacement depuis Privas.  
J’expose avec détail le projet, le fond , la forme, les demandes de précisions fusent à point nommé.  Deux heures passent à toute vitesse. Encore une fois l’enthousiasme colore joyeusement la réunion.
Je suis vraiment touché quand le projet mobilise une équipe sur un si long temps, la fait rêver.
Encore cette curieuse impression que le projet était presque « attendu ? ».
La perspective d’œuvrer ensemble à une aventure qui a cette folle ambition d ‘explorer cette chose si immatérielle et qui nous semble si essentielle qu’est l’imagination, rassemble vraiment, ouvre des horizons.  

Cette première prise de contact ancre le projet dans son port du départ, nous évoquons un événement à créer le jour du lancement de la caravane et P. Guillermin propose que nous organisions rapidement un rendez-vous avec les acteurs de terrain de cette première partie, ce qui est tellement une excellente idée !

Je quitte Orgnac avec beaucoup d’horizons nouveaux.

En reprenant la voiture je repense à tout ça.
Il me tarde un peu d’arriver chez moi, mais je me dis et redis encore une fois que j’ai tellement de chance de conduire un pareil projet, de faire d’aussi riches rencontres. Je pense aussi au retard sur les consignations de toutes ces petites aventures depuis un mois. Il va falloir que je retrouve un chemin d’écriture dans toutes ces notes éparpillées, continuer cet espèce de journal de bord que j’ai commencé en guise de comptes rendus compilés. Impossible de ne pas tout raconter.
Mais pour quoi, pour qui ? Comment rester synthétique ? Que dire ? Que taire ? Peu importe sans doute, juste en faire le récit, sans trop réfléchir, ne rien laisser en chemin, c’est un beau voyage qui commence ..
Émergeant un peu de ces rêveries, je me rappelle que le téléphone a sonné pendant la réunion à Orgnac,  j’écoute le message. Tiens ! Fabienne Aulagnier.

Nous nous sommes bien connus il y a quelques années alors qu’elle travaillait à la Cité des Arts de la Rue à Marseille. Personnalité complice, elle fait partie des personnes que j’imaginais facilement recroiser un jour. Je savais qu’elle était repartie vers ses terres Auvergnates, et sans doute qu’elle n’était pas restée les bras croisés. Et voilà que Fabienne me dit que Jean Louis Coutarel du comité massif lui a parlé du projet, et que nous devrions sans doute nous causer ..

Rapidement nous parlons de nos projets respectifs. Fabienne me raconte le projet sur lequel elle travaille, l’Etonnant Festin à Clermont Ferrand, un laboratoire qui a pour sujet l’alimentation comme fait culturel. Elle me parle de leurs manifestations culinaires, de leurs liens arts et sciences,  de cheminements, d’agro-écologie …
Nous ne savons pas à cet instant exactement quoi ni comment, mais nous sentons bien l’un et l’autre que nous aurons à nous revoir, quelque part, sur le chemin.   

Je finis ce voyage, je rentre chez moi et j’ai pas mal de rangement à faire en arrivant, les valises débordent ..

Lundi 21 juin 2022

A suivre…