Raconte-rendu
par Georges Matichard
Premier dimanche/deuxième semaine, en mode départ/arrivée de cette nouvelle traversée. Nous sommes encore à Chalap, sur la terrasse en bois de Balagan, c’est le temps des au-revoirs, des cafés qui s’enchaînent, des sacs qui s’entassent, des gens qui s’enlacent. Si pour le trio de la première semaine, ce dimanche est un voyage qui s’achève, pour l’équipe c’est une vraie bascule, un jeu d’équilibre logistique. Il faut arriver à composer avec le peu de ferroviaire, les petites routes à rallonges et le circuit des dépôts de voiture au bon endroit pour organiser le meilleur passage de relais. Il y aurait beaucoup à dire sur le roman logistique de cette aventure menée tambour battant par une solide petite équipe tout terrain…
Alors que tout ce petit monde s’embrasse, prêt à repartir dans toutes les directions, Maëlle et David sont déjà en route pour nous rejoindre ce soir à Figeirolles. Anaïta est avec nous, elle est arrivée samedi pour danser son spectacle à Sénéchas. Déjà un peu dans le bain, elle est maintenant impatiente de découvrir ses deux compagnons de marche.
Ils arrivent tardivement chez Pascale et Jean Poinsignon, en voiture depuis la gare de Genolhac à l’heure de l’apéro. Il pleut.
La soirée chez Jean et Pascale est celle des présentations. Une certaine timidité mutuelle laisse entrevoir un groupe totalement différent du précédent. Il pourrait y avoir une jolie petite habitude qui s’installe à Figeirolles. Le bon repas, la recette qu’on aurait envie d’emporter, une soirée chaleureuse, une nuit sous la yourte …
Surprendre
Cette année, chaque semaine débute par une immersion profonde et hors du temps. Ce fut naturellement les grottes Chauvet et Orgnac pour l’inauguration. Dans ce début de Cévennes, au matin du lundi de la deuxième semaine, ce sera depuis une de ces « grottes transitionnelles » dont parlait Jean Corneloup l’année dernière : le studio de musique de Jean Poinsignon, musicien du vivant. Une petite sous-pente où l’artiste dépeint des paysages mélodieux uniquement faits de sons du vivant, vibrants sur les parois de bois de son studio. Dehors le paysage (que l’on sait fantastique) est totalement remplacé par une paroi de brouillard blanc irisé d’une pluie assez dense. Pour sortir de cette caverne météorologique, nous devons prendre la voiture pour aller à l’Espinas.
Le nouveau voyage commence, dans sa première partie, sur les traces de l’année dernière. L’école de la pierre sèche se visite rapidement sous la pluie, le tiers-lieu de l’association Epidemain est présenté par Véro au cours du repas, à l’abri, en salle, sans profiter du célèbre point de vue de la terrasse de l’auberge de l’Espinas totalement bouché. Le paysage est en carte blanche, les marcheurs doivent nous croire sur parole. Camille sortant de sa cuisine, prends le temps comme chacun de nos hôtes, de raconter ce qu’il fait dans ce lieu perdu dans les nuages.
Je les observe, eux qui n’ont pas encore marché et qui ont maintenant les jambes qui fourmillent d’impatience. C’est leur première matinée et ils sont déjà bombardés de rencontres surprenantes, inspirantes. Ils posent des questions et apprennent déjà beaucoup. Après le repas, je me joins à eux pour les guider sur cette première demi-journée. Je suis le marcheur du lundi.
Sérieusement équipés pour la pluie, nous nous lançons en direction du Labo à Masmejean. Enfin le retour à nos pas, au rythme, à l’engagement du corps. Les yeux sont rivés au sol, attentifs aux pierres glissantes ou roulantes, aux flaques éparses et profondes. Les paroles entendues raisonnent dans les capuches des bossus que nous sommes, la forme du sac à dos sous la cape transformant en escargot bipède souvent gris parfois fluo tous les marcheurs et marcheuses de ces jours pluvieux.
Dans l’après-midi, la traversée de la forêt du Bougès relève les visages au fur et mesure que la pluie cesse. Les yeux se croisent davantage, les langues se délient, des petites conversations naissent autour d’une mousse un peu trop verte, de quelques bourgeons difficilement reconnaissables et les kilomètres dépassent la dizaine. Depuis l’Espinas, nous croisons un âne avec sa petite famille de touristes et furtivement mais très clairement, un chamois relève la tête en même temps que nous, le temps d’un regard échangé. L’alouette et le coucou semblent vouloir faire un bout de chemin à nos côtés, peut-être nous annoncent ils ? En fin de journée dans la forêt, la carte se déplie plusieurs fois et nous nous perdons. Un peu. Le temps de comprendre, d’apprendre et de reprendre le bon chemin.
Au bas de Masmejean, le gué du ruisseau n’existe plus, à sa place un torrent de montagne vif. Pas le choix : enlever chaussures et chaussettes, remonter le pantalon au-dessus des genoux et serrer les dents. C’est froid et joyeux, nous traversons comme des gamins, l’autre rive est un tapis d’herbe verte et douce invitant à poursuivre pieds nus. Je n’aurais pas aimé le faire dans l’autre sens, en début de marche et direction les caillasses. Je regarde les marcheurs, il y a quelque chose de différent. Je l’avais remarqué plusieurs fois dans les marches précédentes et maintenant je le guette, cet instant où l’on voit naître un petit groupe d’inconnus désormais solidaires. Ce passage est une initiation, un rite imposé par la nature, doux et révélateur.
Cette première journée s’achève comme l’année précédente avec la rencontre de Cécile et Cyril Djalmit, dans ce petit théâtre de montagne que nous connaissons bien maintenant, le Labo de Masmejean.
Je mesure ce qu’est pour les marcheurs cette approche par les chemins, à travers bois, le pantalon retroussé, au terme d’une journée commencée à écouter la huppe faire pou pou pou en accompagnement d’un grillon, dans le studio de Jean, une quinzaine de kilomètres plus tôt.
Une nouvelle soirée intime, des échanges simples et comme à chaque fois des contacts qui se révèlent, des liens qui émergent. C’est l’essence même que nous recherchons pour le futur. Jouir d’une rencontre intime et profonde avec les personnes accueillantes, échanger simplement en se racontant là où l’on est, de là où l’on vient.
Comprendre
Lors de la première semaine ardéchoise nous avons vu se poser une cartographie assez claire pour construire les prochaines itinérances de Marcher depuis la nuit des temps. Ici, nous voyons poindre davantage une liaison narrative singulière. Le mont Lozère semble nous tendre ses roches et invite les marcheurs à son exploration intime et profonde. Dans un monde où la densité démographique a explosé, se retrouver dans la démographie lozérienne digne des temps anciens change totalement le regard. La rencontre avec d’autres humains étant rare, elle n’en est que plus précieuse. Nous avons organisé dans ce sens une plongée dans des paysages immenses à l’apparence désertique, où chaque oasis du soir devient un vrai moment de rencontre avec les accueillants.
Apprendre
Pour le trio de marcheurs quelque chose de nouveau commence.
Au lendemain de cette première journée, Florence Arnaud rejoint le groupe au Labo pour le guider les trois jours suivants. Florence, forte de sa grande connaissance des Cévennes a construit avec l’association Schisto , une mine de ressources pour arpenter la région. Elle apportera aux marcheurs une approche sensible de la formation des massifs, sa formation de géologue lui permet de jongler avec petite histoire et histoire profonde. Tous les quatre vont arpenter le mont Lozère du Masmejean à Finiels et découvrir un incroyable massif de grès dans sa profondeur temporelle, esthétique et minérale.
A leur arrivée à Finiels, la soirée est partagée avec un groupe de randonneurs de Stevenson à la Maison Victoire, généreusement tenue par Mario et Jacqueline Galzin. Les marcheurs d’est en ouest, croisent ceux du nord au sud, sur ce point de rencontre au coin du feu. Après le repas commun, Maëlle sort sa harpe celtique et joue pour le petit groupe ce que lui inspire ce début de traversée. Le temps se suspend à l’écoute des cordes qui vibrent et du chant qui l’accompagne. Encore le mot magique pour qualifier l’instant, il n’y en a pas d’autre plus précis.
Le lendemain, guidé par Florence et son marteau de géologue, le groupe part faire une boucle vers un chaos granitique surplombant la vallée. A la première pierre fracassée avec force pour en ausculter les entrailles, sous les explications de Florence, la montagne devient école à ciel ouvert, élevant ceux qui savent la regarder et l’écouter. C’est le minéral qui nous compose qui se met à vibrer en harmonie avec celui de la montagne qui l’accueille. L’eau de notre corps vibre avec celle des ruisseaux, avec celle qui a façonné l’ensemble de ces paysages. Il paraît que c’est la même depuis la nuit des temps. L’histoire nous traverse par les atomes, guidée par la connaissance des rencontres.
De retour à Finiels, les mots cristallisation, érosion, altération, rupture ou faille infusent encore en nous lors de notre rendez-vous avec Lucile, alerte fille du pays au regard perçant bien campé sur une petite silhouette tonique. Nous faisons le tour de sa maison familiale, ancienne ferme historique de Finiels qui en compte peu et naturellement la visite commence par… le petit cimetière où sont enterrés ses parents.
Jouxtant la maison avec seulement quelques pierres alignées sur un petit terrain, c’est le lieu du transfert minéral humain/montagne. Les minéraux restent en famille, du corps des ancêtres au pierres de la maison, le voyage est court. En passant derrière la maison, nous entrons dans le tout petit moulin à farine construit par Almir, le père de Lucile et raconté avec émotion par sa fille. C’est une petite merveille fichée à flan de montagne, une démonstration d’ingénierie paysanne où il faut savoir « faire avec ». Une leçon de vie que nous transmet Almir. Il faut être sacrément ingénieux, humble et en harmonie avec la montagne pour savoir en transformer les éléments les plus simples en une mécanique aussi ingénieuse et efficace. Des petits murs en pierres sèches habilement agencés enjambent le ruisseau, source d’énergie. Le toit est fait de la chaume des céréales moulues. Rien ne se perd. La roue à aube en bois au sous-sol actionne le reste à l’étage. Sur son axe est fichée une meule tournante en granit, écrasant le seigle sur sa pierre jumelle enchâssée dans un bâti en bois. La roche est taillée, domptée, prête à travailler longtemps. L’assemblage des éléments est remarquable. Dans ces montagnes, le savoir « faire avec » se perpétue et se perfectionne dans sa simplicité depuis la nuit des temps. Lucile nous mène au sous-sol de la maison, l’atelier de son père. Le temps s’est arrêté là, quand il est parti rejoindre la montagne, c’est devenu une sorte de petit musée où sont exposées ses œuvres paysannes. De simples outils fait main, d’autres plus complexes, des sabots, des jougs, des grosses boules en bois avec leurs quilles pour monter un bowling cévenol les soirs de fête. De l’utile à l’amusement, c’est une démonstration de tout ce que la montagne offre avec ses matériaux naturels, comme possibilités de construction ingénieuse, à qui sait prendre le temps de l’observer. La visite se termine avec la dégustation de la liqueur de gentiane de Lucile, pour conclure l’ivresse de la journée de belle manière.
Le lendemain est vendredi, dernier jour sur le mont Lozère, dernier jour d’une marche qui semble avoir duré beaucoup plus longtemps. Florence repart vers d’autres chemins et le petit groupe se dirige vers un autre rendez-vous, sur le site des Bondons avec Jean-Jacques Delannoy. Le paysage pelé est réputé pour ses cohortes de pierres dressées, deuxième plus grand rassemblement de menhirs connu après Carnac en Bretagne. Simplement, au lieu d’être concentrés, ils sont éparpillés sur un vaste territoire et il faut marcher pour en apprécier le nombre.
Jean-Jacques propose une approche sensible portée sur notre façon de poser notre regard sur le paysage. Un apprentissage dans la lignée de ce qui a été abordé avec Florence, poussant le vide après le plein, ce que nous ne voyons pas.
C’est un paysage moins abrupt que la veille, les pierres se font plus rares, comme si le chaos avait été rangé. Gargantua, qui selon la légende a laissé quelques morceaux de calcaire tomber de sa chaussure, aurait-il passé ici un grand coup de balai ? Dans ces vastes étendues de collines douces émergent par endroits de petits monts/mamelons remarquables. Tout semble agencé naturellement pour faire signe, indiquer, donner du sens, des directions vers le lointain. Le ciel partage avec la terre des horizons gigantesques, nous sommes sur les traces des hommes d’autrefois, de ceux qui élevaient les pierres avant les brebis.
Au premier menhir, nous nous arrêtons grignoter, c’est irrésistible de vouloir se poser là. La balade se poursuit, guidée par les pierres dressées au loin comme de petits phares directionnels surplombant des combes douces au fond desquelles les poches d’argile retiennent l’eau et rendent l’herbe plus verte. Nous terminons la journée autour d’un tumulus, amas de pierre bien agencé ayant abrité des corps d’humains dresseurs de pierre. Je pense à la tombe d’Almir, aux ancêtres de Lucile, les miens, les nôtres.
Nous retrouverons Jean-Jacques samedi sur le Causse pour le temps fort de la semaine.
Maëlle, Anaïta, David s’entassent dans ma voiture, nous descendons dans la vallée, ils se cachent les yeux à la traversée de Florac la moderne et les rouvrent rassurés dans les virages surplombant la mégalopole cévenole sur la route sinueuse montant sur le Causse.
Arrivée dans un hameau de petites maisons caussenardes au bord des falaises.
Thomas, poète, constructeur et inventeur est friand d’utiliser les ressources locales, ici c’est le vent plus que le ruisseau. Les éoliennes bordent le hameau, l’accueil est réservé au passage, c’est rudimentaire comme peut l’être le paysage, mais il y a le principal pour être bien avec simplicité. Thomas s’inscrit dans ce « faire avec » à sa manière, avec discrétion, générosité et désir de partage.
Le soir même c’est une soirée chez son voisin, Fredéric Bousquet de l’ensemble Stolon pour un aligot saucisse en préambule à la visite commentée de son atelier et de son studio de fabrication d’instruments. La soirée se poursuit au son de l’euphone avec lequel Fred était venu inaugurer le lancement de la marche de l’année dernière. Comme Thomas, Frédéric est inventeur. Ils sont voisins et semblent très différents, mais ils ont en commun le même attrait pour le sensible, la créativité, le savoir-vivre là.
David nous livre à l’apéro un flot de pensées, d’idées, je le sens inondé par sa semaine, au bord d’une crue qu’il maîtrise encore, mais avec le besoin d’ouvrir quelques vannes. Anaïta n’en finit plus de danser par-ci, par-là, dans le pré, à table, son corps est lui aussi agité par un flot, un courant. Maëlle observe tout, écoute tout, ne dit pas grand chose et continue d’engranger. Sa personnalité plus discrète ne laisse rien transparaître, j’aimerais entendre sa harpe. De toute évidence, les trois commencent à entrer dans le temps de la restitution, la semaine aura été un maelström dans le vivant étourdissant.
Nous nous retrouvons tous samedi au Villaret à l’association Takh, pour ce temps rituel de la restitution. Il est difficile de faire venir du monde au cœur du plateau, aussi ne sommes nous pas nombreux pour ce rendez-vous.
Nous avons invité Thomas à venir pousser plus loin sur le causse ses expérimentations actuelles en imaginant une performance au moment de l’accueil du public. Depuis pas mal de temps, Thomas explore avec des cerfs-volants l’idée de ressentir plus près du corps les dynamiques des vents. Il cherche à s’affranchir des poignées tenues dans les mains et après avoir essayé de diriger avec les manettes accrochées à la taille ou aux pieds, il est en ce moment en recherche d’une direction sans contact avec le sol.
Il a imaginé un portique où est suspendu l’opérateur assis sur une selle de cheval. Cette image d’un cavalier sans cheval flottant dans les airs à proximité des chevaux de Przewalski (qui eux n’ont jamais été montés) a fait sens depuis notre première rencontre. Il fallait tenter quelque chose. Ayant besoin de nombreuses phases d’essais, Thomas en a profité pour faire avancer son projet grâce à la complicité de la danseuse Nathalie Baldo. C’est aussi le sens de Marcher depuis la nuit des temps : favoriser ces rencontres de territoire et stimuler les recherches dans tous les sens.
A la suite de cette expérience, le trio de marcheurs est en place pour sa restitution. Alternant des textes portés par David, ponctués par la harpe sensible de Maëlle et les danses d’Anaïta, ils nous livrent un très beau moment, sensible et profond, très différent des restitutions précédentes. J’aime ces moments où la qualité performative importe peu, en regard de l’intimité qui se dévoile. Nous restons ainsi dans la continuité de la semaine, plus loin d’une représentation classique et plus proche d’une vraie rencontre.
Nous enchaînons avec la causerie que j’anime entre Armelle Gardeisen, zoomorphologue en résidence à Takh et Jean-Jacques Delannoy. Lors de ces rencontres spontanées, nous n’avons que peu de temps de préparation. L’idée est d’engager une discussion portée sur une compréhension de ce qu’est la recherche en général, en commençant par des récits intimes évoquant les parcours de chacun depuis l’enfance. Ainsi les passions arrivent plus vite, nous évitons la conférence magistrale et nous entrons progressivement dans leur savoir sans que cela ne soit écrasant pour le public. Nous parlons curiosité, recherche, apprentissage, orientations, préhistoire.
Ce sont des échanges doux et détendus, mais la fraîcheur de début de soirée nous tombe sur les épaules et nous devons commencer à ranger.
Demain, ce sera à nouveau le relais arrivée et départ. Un dimanche pour ranger, déménager, accompagner les uns vers le départ, récupérer les autres à l’arrivée, se présenter, faire à nouveau face à ces visages impatients de commencer une nouvelle semaine et tenter d’écrire tout ça pour que la newsletter arrive vite. Nous pensions que c’était le jour de repos, mais nous sommes pris entre deux temps et trois mouvements.
La semaine qui vient de s’écouler sur le mont Lozère s’est placée sous le signe de l’apprentissage, de l’enseignement, d’une école de la vie à ciel ouvert. Le mont Lozère est une montagne apprenante, peut-être tout simplement parce que là où il n’ y a rien à prendre, il y a tout à apprendre.
Je suis totalement en retard pour livrer mon texte, je le finis au lendemain du lundi qui suit cette semaine, nous sommes toujours en Lozère et je viens de rencontrer sur le Causse la formidable école de Hures-la-Parade qui met en application tout ce que viennent de vivre les marcheurs de la deuxième semaine… Il n’y a même plus de frontières entre les semaines, le temps n’existe plus, il faudra tenir sur la durée.
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Illustrations : Tom Joseph
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