Marche du 29 avril au 3 mai
Départ : Orgnac (07) ➤ Arrivée : Sénéchas (30)
Récit de la semaine
par Nathalie Baldo
Anaïs, Périne et Muriel ont ouvert cette première semaine de marche. La veille, une première plongée dans la Nuit des temps dans les profondeurs sombres et magiques de l’Aven d’Orgnac, puis les mots de Patricia Guillermin qui guident la traversée de la cité de la préhistoire, ouvrent les imaginaires vers ce que sera ce deuxième cheminement entre Chauvet et Lascaux. Une première journée qui relie Orgnac à Brujas en passant par Labastide-de-Virac, le dolmen de Champagnac, des fleurs, des herbes, des buissons, une forêt de pins, un gué inondé et un rare scorpion languedocien qui fait la joie de Muriel. Dîner et nuit délicieuse à Brujas.
Le mardi, Tom Joseph, le graphiste du projet, rejoint les marcheuses et les accompagne jusqu’à la Commanderie de Jalès – CNRS Archéorient. Il pleut toujours. Le ciel est gris et il ne fait pas vraiment chaud. Premières montées, premières descentes. Les marcheurs se racontent entre les gouttes. L’équipe est accueillie en fin d’après midi par Séverine, géomaticienne, Cédric et Victoria, chercheurs en préhistoire à Jalès. Autour d’un thé chaud, démonstration de taille de silex, puis visite de la commanderie avec Fabrice, illustrateur-maquettiste et dîner de ragoût de chèvre taillée au silex quelques semaines plus tôt. On y est, dans la préhistoire…
Mercredi matin, grosse pluie. En ce premier mai, les marcheuses déclarent « l’avènement du non dépassement de soi » et après la traversée de la forêt magique de Païolive, stoppent la marche à midi pour déjeuner au sec et au chaud chez Olivier Barge, géographe et Emmanuelle Regagnon, archéologue, tous deux partenaires du projet. Très belle et douce soirée d’échanges dans leur nouvelle maison, à Banne, entourés d’amis de passage.
Le jeudi, Olivier et Emmanuelle guident le trio jusqu’à Malbosc, où elles retrouvent Michel Pena, paysagiste associé au projet pour un déjeuner-rencontre. Michel les emmène ensuite à travers ses mots et ses paysages jusqu’à son lac sur les nuages, sa cabane, sa bibliothèque paysagère toujours ouverte et disponible, son orangerie, ses amandiers, ses chênes, son étang taillé dans le paysage mais vivant de biodiversité, ses mots encore, son paradis. Soirée au coin des trois feux – poêle, cuisinière à bois et barbecue – bivouac sous la varangue ou au chaud dans la bibliothèque.
Au matin le soleil est là. Enfin. Il réchauffe les corps et soigne Pauline.
Les marcheuses repartent joyeuses pour cette dernière journée ensoleillée. À midi, repas de fleurs, repas fleuri, repas d’esthète… Jonas, paysan fermier a repris la ferme de ses parents et ouvre ses portes et sa cuisine aux marcheurs et marcheuses de La nuit des temps, entre potager, fruitiers, vignes et parc bocager.
Fin de parcours, gorges et rivière déchaînée, pont improbable, dernière montée, dernière suée et arrivée à Sénéchas, son chemin de rosiers, ses murs de pierres sèches. Un verre de jus de pomme, des sourires, Monsieur le Maire, René Meurtin et Jean-Pierre Aubert,
adjoint, attendent les marcheuses sur la jolie petite place de la mairie.
Le dîner est partagé un peu plus loin, dans le hameau de Chalap, chez François Heim, musicien accordéoniste, lieu de la compagnie Balagan. Samedi se prépare… ce sera la fête à Sénéchas pour clôturer cette première semaine !
Rencontres à Sénéchas
par Pauline Hoa
Sénéchas…. Sénéchas, c’est aussi Chalap, c’est le village où vit la compagnie Balagan et François Heim, accordéoniste diatonique, qui nous accueille pour cette fin de semaine. C’est toujours un moment précieux, un moment qu’on a envie de faire durer, où la nécessité de temps long prend soudain tout son sens. Les iris ploient sur notre passage ; ils sont gorgés d’eau et nous saluent en laissant de petites ondées sur nos bas de pantalon. Sénéchas, c’est aussi l’accueil par Jean-Pierre Aubert, René Meurtin et Olivier Deves, de la Mairie de Sénéchas ; du jus de pomme et des sourires.
Le Temps Fort du 4 mai commence par une promenade autour du village, ponctuée par Georges Matichard et racontée par Olivier, fin connaisseur des pierres, de l’histoire et des récits du lieu. Olivier a été Maire du village, il en connaît tous les recoins.
Après une petite remontée qui fait chauffer les guibolles, le public pénètre dans l’espace herbeux et accueillant qui jouxte l’église de Sénéchas, et dans lequel nous passerons le reste de la soirée. Là, on continue à tisser des liens. Les danseuses de la compagnie Dakipaya présentent « Fibre », un spectacle tout en bleus, tous en fils, tout en sensibilité. Des voix venues d’un autre temps, des tisseuses qui rient, des sons saccadés de machines à coudre, des corps qui s’y lient, qui s’y élancent, qui disent la dureté de cette vie d’avant, qui disent la force des femmes, qui disent l’importance de la solidarité. Des corps qui dansent dans l’espace en liant les gens, le public, tout le monde se mêle, ressent, c’est fougueux, doux, amer et sucré à la fois. Et lorsque les derniers applaudissements font vibrer les présents, Julia et Jeanne d’Eurek’Art, qui co-organisent la soirée avec nous, proposent à tous de venir savourer un verre de rouge, de goûter un fromage de chèvre, en papotant.
Et puis voilà que jaillissent de derrière le portail nos trois marcheuses, Anaïs, Muriel et Périne. Elles nous convient sous les arbres – parce que la scène de théâtre, ça ne correspond pas à ce qu’elles ont vécu, imprégnées de végétation qu’elles ont été, pendant une semaine, me dit Muriel. Elles ont préparé une restitution faite de mots, de dessins, de peintures, d’interludes intimes. C’est beau de voir ce groupe qui ne se connaissait pas il y a 7 jours, trouver des accords et des harmonies qui les lient, et on sent que cela restera, que quelque chose s’est construit. Périne déclame, elle a sacrément le flot, elle raconte la semaine, tandis qu’Anaïs peint le paysage traversé sur une longue feuille blanche, et que Muriel dessine des rencontres, animales, végétales, minérales. Ça murmure de la complicité, de la joie, ça parle de rencontres.
De rencontres, justement, en voilà une autre, forte, qui monte sur scène ensuite avec Georges Matichard. Emmanuelle Regagnon, archéologue du CNRS, nous présente sur le théâtre de verdure de Sénéchas, ses dernières découvertes. Elle travaille depuis des années à Archéorient, une antenne du CNRS de Jalès, à quelques kilomètres d’ici, avec Olivier Barge, son compagnon, lui aussi archéologue et géographe. Emmanuelle nous révèle l’existence des « desert kites », ces structures en pierre en forme de cerfs-volants aux dimensions faramineuses, trouvées au Proche Orient et dont on ne connaissait pas, il y a quelques temps encore, la fonction. Ce sont en fait d’énormissimes pièges à gazelles, accompagnés de plans à l’échelle. Cette mise à jour met en lumière non seulement la capacité de coordination qu’avaient déjà ces chasseurs des temps anciens, mais en plus celle de se représenter l’espace sur des plans plats. Déjà à l’époque. Vertigineux.
En quelques notes d’accordéons et de pulsions de batterie, c’est ensuite le duo de la Chaloupe, qui nous embarque joyeusement vers des mazurkas, des chapeloises et des gavottes de l’aven. Qu’importe la fraîcheur, François et Matthieu élèvent les âmes de danseurs, et les néophytes s’y retrouvent aussi, puisque le lien est toujours là, l’envie de transmettre, de guider aussi les pas de ceux qui ne connaissent pas. Les bénévoles de Balagan font mousser la tireuse à bière, Julie fait tourner les crêpes, une assemblée virevoltante et enjouée permet à ce temps fort de marquer la première étape de cette Traversée 2024.
Encore !
Les 3 marcheuses
Périne Faivre
Metteuse en scène, comédienne
Sociologue de formation, cofondatrice de la compagnie Les Arts Oseurs, elle en assure la direction artistique. Ses grands spectacles et projets de territoire considèrent le théâtre comme outil politique.
Muriel Lacan
Auteure et dessinatrice
Passionnée d’écologie et de bandes dessinées, elle est notamment l’autrice de La brebis galeuse aux éditions du Larzac. Elle est aujourd’hui présidente de l‘Herbe sous le pied qui construit actuellement le tiers-lieu culturel et écologique du Bez, à Sévérac d’Aveyron.
Anaïs Massini
Illustratrice
Reconnue pour son sens vibrant de la couleur, Anaïs s’est formée à l’école des Arts décoratifs de Strasbourg. Son dernier album, Aux Oiseaux a été publié par Grasset Jeunesse en 2023. Elle vit en Aveyron où elle a participé à la création des Ateliers du geste, lieu d’expérimentation sociale, artisanale et artistique en milieu rural.
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Illustrations : Tom Joseph
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